Le ministère du travail vient de publier les résultats des élections aux comités d?entreprise pour 2001. C'est l'occasion d'observer les évolutions produites depuis 1967.
C’est en 1966 que le ministère du travail a publié, pour la première fois, les résultats des élections aux comités d’entreprise.
Comme on le sait, ces élections se déroulent tous les deux ans pour chaque entreprise concernée (c’est-à-dire pour chaque entreprise -ou établissement - d’au moins 50 salariés).
Nous disposons donc, depuis 1966, de deux séries de résultats distinctes : celle relative aux entreprises organisant leurs élections les années impaires, celle relative aux élections organisées les années impaires.
Les résultats des années paires sont connus jusqu’en 2000, ceux des années impaires viennent d’être publiés pour l’année 2001 (« Premières informations DARES », octobre 2003 n°43-2, Ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité).
- Interrogations sur l’outil statistique -
Avant d’observer les résultats eux-mêmes, il convient d’apprécier l’outil statistique lui-même :
- la population concernée est celle des entreprises ou établissements d’au moins 50 salariés. Si l’on sait que la moitié seulement des salariés travaillent dans des entreprises de plus de 50 personnes, il convient de ne pas considérer ces élections comme représentatives de l’ensemble du monde du travail salarié. Les résultats aux élections prud’homales, pour lesquelles l’ensemble des salariés du secteur privé est concerné quelle que soit la taille de l’entreprise, le montrent : taux de participation et score des syndicats différents sensiblement d’avec les élections aux comités d’entreprise.
- le champ de l’enquête n’est pas constant. Les mouvements des entreprises (fusions, délocalisations, créations, fermetures) ont un impact sur la structure observée des institutions représentatives. La comparaison est donc plus délicate sur une longue période. C’est notamment le cas en région parisienne, où les mouvements d’entreprises ont été nombreux.
- les informations traitées par le ministère du travail sont le fruit des remontées statistiques issues des sections d’inspection du travail. La constance de ces remontées semble avoir faibli ces dernières années. Le ministère du travail dispose-t-il toujours de remontées suffisamment complètes ? Dans les milieux syndicaux, la question circule, à laquelle le ministère gagnerait à répondre. Observons que les résultats aux élections du personnel (entreprises ou établissements d’au moins 11 salariés) ne sont plus publiés par le ministère du travail depuis 1994. Sont-ils encore collectés ? Cette lacune nourrit le sentiment d’une perte d’efficacité de l’appareil administratif (l’inspection du travail) chargé de remonter les informations.
Ces observations sur les statistiques qui nous sont proposées par le ministère du travail n’empêchent nullement de considérer avec attention les résultats et leur évolution dans la durée.
Elles limitent cependant sérieusement la capacité de ces résultats à mesurer en l’état la « représentativité » des organisations syndicales en France.
- Les évolutions observées depuis 34 ans -
Depuis 1967, les résultats nous apportent de nombreuses informations. On retiendra notamment :
- une tendance générale à la baisse de la participation, en dépit d’une remontée significative entre 1991 et 1995. En 1967, 72 % des salariés votaient ; en 2001, 64 % ;
- une montée régulière des listes de non-syndiqués pendant la décennie 1980 et une inversion de tendance depuis 1991. Les derniers résultats le confirment : entre 1999 et 2001, les listes de non-syndiqués cèdent 2,8 % des suffrages exprimés aux listes syndicales ;
- une relation forte entre la présence syndicale et la taille des établissements. De façon traditionnelle, les scores des syndicats sont d’autant plus élevés que la taille des établissements est grande. En 2001, les non-syndiqués recueillent 52,5 % des suffrages exprimés dans les établissements de 50 à 99 salariés mais seulement 3,2 % dans ceux de 1000 salariés ou plus ;
- le leadership syndical varie selon les collèges. Dans le premier collège (employés et ouvriers), la CGT se place en tête (28,2 % en 2001). Dans le deuxième collège (agents de maîtrise, techniciens), ce sont les non-syndiqués (24,5 % en 2001), suivis par la CFDT (23 %). Dans le troisième collège, la CFE-CGC maintient son leadership (25,4 %). Les collèges uniques, implantés dans les petits établissements, demeurent le fief des non-syndiqués (36,2 %).
- la délégation unique du personnel se développe. La « loi quinquennale » du 20 décembre 1993 avait donné aux entreprises de moins de 200 salariés la faculté de constituer une « délégation unique du personnel » regroupant les attributions des délégués du personnel et des représentants au CE. De nombreuses entreprises ont procédé à cette simplification. En 2001, la délégation unique a franchi un double seuil, en couvrant 50 % des effectifs salariés concernés et en recueillant 52,8 % des suffrages ;
- la participation et les résultats par branche expriment bien la tradition sociale et syndicale en France. La participation reste supérieure, en 2001, à 70 % dans l’industrie automobile, les secteurs administratifs, les activités financières et l’énergie. Elle dépasse de peu les 50 % dans les services aux entreprises ou aux particuliers. La CGT fait ses meilleurs scores dans l’énergie (31,7 % en 2001) et l’industrie automobile (31,6 %), la CFDT dans l’éducation, santé, action sociale (34 %) et les activités financières (33 %), Force ouvrière dans les secteurs administratifs (23,3 %) et l’industrie automobile ( 21 % en 2001, avec une belle progression par rapport aux 17,5 % de 1999), la CFE-CGC dans les activités financières (17,4 % en 2001), la CFTC dans l’industrie automobile (11,4 %).
- les fiefs régionaux restent, eux aussi, bien typés. La CGT réalise ses meilleurs scores en Limousin (39 %), dans les DOM (37,6 %) et en Haute-Normandie (28,8 %). La CFDT est bien installée en Bretagne (34,7 %) et Pays de Loire (32,4 %). Force ouvrière est bien présente en PACA (19,8 % en 2001, où elle prend la deuxième place à la CFDT) et Haute-Normandie (18,6 % en 2001 où elle se fait doubler, cette fois par la CFDT, la CGT et les non-syndiqués étant en tête). La CFTC obtient 20 % en 2001 en Alsace (contre 16,8 % en 1999, devançant la CGT) et 10,1 % dans le Nord Pas de Calais. La CFE-CGC obtient ses meilleurs résultats en Ile de France (9,7 %) et PACA (8,6 %).
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