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Photo du rédacteurBernard Vivier

Jour férié, foire et festival

Qu'y a-t'il de commun entre l'actrice Catherine DENEUVE descendant les marches du festival de Cannes, le syndicaliste Marc BLONDEL grand amateur de la feria de Nîmes et Monsieur TOUT-UN-CHACUN se rendant un jour férié à la foire du Trône ? L'étymologie du mot férié et la place qu'il occupe aujourd'hui dans notre vie sociale.



Pour parler français, il est utile de ne pas perdre son latin. Laférie(qui a donné jour férié) et son doubletfoireviennent du latinferia, qui signifie jour de repos. La férie est un nom féminin qui ne comporte pas d’accent aigu sur le derniere. Ce n’est pas encore un adjectif (avec accent aigu), comme le mot est essentiellement utilisé de nos jours.


Dans la Rome antique, la férie est le jour pendant lequel le travail est interdit par la religion. Dans la liturgie catholique, il prend le sens de « jour de la semaine », à l’exception du dimanche, qui est le premier jour de la semaine (et non pas le dernier comme on le pense à tort). Cette dénomination, introduite au IIIème siècle pour éviter l’usage des noms païens faisait ainsi parler de la deuxième, de la troisième férie... : lundi, mardi, ... Cette terminologie n’a guère prévalu, sinon en portugais qui l’a conservé (segunda feria : lundi, etc). Le nom des jours est donc resté « païen ».

Subsistant dans la liturgie catholique, le mot sort d’usage pour prendre le sens de « jour férié chômé ». Au moyen - âge, on qualifie de férié le jour où l’on cesse le travail pour célébrer une fête. La racine du mot latin feria (jour de repos) a fourni aussi les adjectifsfestum , festivum, auxquels se rattachent nos motsfête, festival et festin, ce dernier d’origine italienne. Les dérivés de la fête s’y rattachent aussi :fêter, festoyer, fêtard. Plus loin encore, on peut y rattacher le motfeston(d’oùfestonner), d’origine italienne, qui a d’abord désigné une décoration de fête, guirlande de feuillage.

Quant à la feria, il s’agit d’un emprunt récent à l’espagnol feria, de même origine que férie pour fête et qui désigne une fête taurine ou un ensemble de corridas.


- Faire la foire -


Tout naturellement, laférieest un jour férié, les féries ayant lieu les jours de fête. Chez les Romains, on ne travaillait pas ces jours là, pour cause deferiae nundinae, les réunions du neuvième jour. Deferiae nundinae, on est passé à feria tout court. Cela a donnéfieïroen occitan,firaen catalan,fieraen italien,fairen anglais etfoireen français.



Laferia, qui aurait dû garder le sens denundinae, c’est-à-dire de rencontre pluri-mensuelle, a pris le sens qu’elle a aujourd’hui, celui de rencontre annuelle, bisannuelle ou pluriannuelle. Par contre,mercatusa pris le sens de rendez-vous hebdomadaire : c’est aujourd’hui notremarché.

Quant à l’expression « faire la foire », elle se comprend aussi bien au sens propre (se rendre sur le lieu de la foire pour goûter les plaisirs de ce rassemblement populaire, tout à la fois marchand et désordonné) qu’au sens figuré (s’amuser, aux limites de l’inconduite, de la débauche). Certainesfêtes foraines(forain ne vient pas deferia, foire, mais deforis, qui signifie dehors) sont devenues célèbres, comme la foire du Trône à Paris. D’autres foires ont un caractère plus professionnel et sont synonymes de salons ou d’expositions : la foire de Leipzig, de Bruxelles.


- Jours chômés, jours ouvrables -


Les jours de fête sont des jours ou l’on ne travaille pas. Autrement dit, les jours fériés sont aussi desjours chômés. Chômer vient du latincaumaforte chaleur, emprunté au grec de même senskauma, calme. D’abord utilisé à la forme pronominale (sechomer), chômer signifier rester calme, être inactif.Etre au chômageest donc le fait de ne pas travailler. Au XIX ème siècle, être au chômage - on dit aussi êtreenchômage - caractérise l’absence de travail pour ceux qui en ont besoin. Il prend alors un sens de privation, par exemple dans l’expression« être réduit au chômage »ou encore« tomber au chômage ».

Le chômeur (féminin : chômeuse) désigne une personne privée d’emploi. C’est le sens qu’il a aujourd’hui.

Le chômage a cependant gardé son sens neutre, celui d’un simple arrêt du travail. L’expression jours chômés s’applique aux jours de l’année où l’on ne fait que suspendre le travail, pour cause de jour férié. Lesjours chôméssont ainsi opposés auxjours ouvrables, c’est à dire aux jours où l’on œuvre, où l’on travaille. On peut donc noter que les jours ouvrables ne sont pas, comme pourrait le laisser croire un mauvais sens donné au mot, des jours où l’on ouvre les usines et les magasins. Ils sont les jours où l’on œuvre. Le droit du travail français actuel établit onze jours fériés dans l’année, dont un est obligatoirement férié et chômé (le premier mai) et un autre férié et non chômé (lundi de Pentecôte).


Le mot férié, très rare avant le XIXème siècle, est devenu d’une utilisation fréquente, tout comme celle des motscongés payés, pont, week-endouloisirs. Le Front populaire, qui a installé les premiers congés payés (deux semaines) est passé par là.




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