Les ONG structurent différentes formes d'aide et d'action non gouvernementales. Comment des organisations nées de mobilisations spontanées se sont-elles structurées ? Sur quel fondement juridique reposent-elles ? Qui sont-elles et que représentent-elles ?
L’idée de compassion ou de manifestation d’un intérêt pour les autres ne date pas du XXème siècle et n’est pas non plus le propre d’une culture occidentale. Elle s’alimente à une triple conjonction :
un phénomène de laïcisation progressive des actions caritatives et de secours à partir du XVIIème siècle
la création d’une référence à l’humanité pendant la période des Lumières
les premières tentatives de réglementation des conflits armées interétatiques à travers
l’élaboration d’un droit international (c’est dans ce contexte qu’est née la Croix-Rouge, suite à la bataille de Solferino en 1859).
La première guerre mondiale entraîne l’apparition d’associations qui dirigent leur action, non plus directement en faveur des soldats blessés mais des populations civiles victimes des conflits. Les années suivantes donnent également naissance à des organisations telles que la Fédération Internationales des Droits de l’Homme (FIDH).
La seconde guerre mondiale entraîne la naissance de grandes organisations de développement comme OXFAM ou CARE créée dans le contexte du plan Marshall. La décolonisation joue un rôle dans l’extension du mandat de ces organisations. Jusqu’alors engagées dans des contextes de guerre ou d’après-guerre, elles se tournent vers les populations du tiers-monde, institutionnalisant le concept d’aide au développement.
Les grandes ONG que nous connaissons aujourd’hui ont été créées à cette période dans le but de porter assistance aux populations des pays en voie de développement : le Comité Catholique contre la Faim (CCFD), Frères des Hommes (FDH), Amnesty International (AI), Human Rights Watch (HRW), World Wilf Fund (WWF)...Les années 70 voient l’émergence des ONG humanitaires ou dites d’urgence. Elles interviennent dans des contextes de conflits ou lors de catastrophes naturelles. Médecins Sans Frontières (MSF), Médecins du Monde (MDM) ou encore Action contre la Faim (ACF) sont représentatifs de la génération des « French Doctors », constituée suite à la guerre du Biafra et contre la loi du silence à laquelle était tenue de nombreux humanitaires. Avec eux, apparaît l’idée de lier action et témoignage.
Plus les conflits dans le monde créent des situations inégalitaires et plus les organisations déploient des mécanismes et des programmes pour porter secours aux victimes : guerres civiles, utilisation des populations civiles dans les conflits, pandémies, inégalités économiques et sociales...
Enfin, une prise de conscience sur les questions environnementales entraîne la montée d’organisations écologiques (Greenpeace, WWF), jusqu’à l’émergence de la notion de développement durable et l’apparition d’une frange d’acteurs qui se revendiquent alter et cherchent des solutions dans ce sens comme le commerce équitable.
- Quelques grandes ONG en chiffres -
- Statut juridique et coordination des ONG -
Il n’existe aucune base juridique permettant de classer une organisation dans la catégorie non gouvernementale. Pour Françoise Boucher-Saulnier, directrice juridique de Médecins sans frontières, « la seule façon de cadrer juridiquement ce qu’est une ONG, est de se référer, dans l’univers latin au droit associatif (loi d’association 1901) : une ONG est une réunion d’individus qui, au-delà des intérêts individuels, se donne un objet social non lucratif ».
Mais la popularité croissante de ces acteurs à travers le monde oblige à un effort de clarté, au moins pour les différencier d’autres acteurs non étatiques internationaux (sectes, fédérations sportives, fédérations syndicales internationales, églises...). Parmi les différentes tentatives de définition, nous pouvons retenir celle de Philippe Ryfman. Il distingue une ONG à partir du faisceau de caractéristiques suivantes : notion d’association, indépendance politique et financière, solidarité (action engagée dans une dimension citoyenne et ou de démocratie participative), caractère international de l’activité (mandat à l’étranger ou impliquant des relations avec des acteurs de nationalité différente de celle du siège de l’organisation. Ainsi, la FIDH est une ONG (internationale) de droit français. Son siège social ou bureau international est basé à Paris. Un réseau de 141 organisations membres assure son rayonnement dans le monde. Autre exemple, Amnesty International France est une section parmi les 56 que gère l’organisation Amnesty International dont le siège social est à Londres.
En France, les ONG sont regroupées au sein de plateformes ou collectifs qui leurs permettent d’échanger sur leurs pratiques et de travailler en réseaux sur de problématiques communes. Coordination Sud est la plateforme de coordination des ONG françaises de solidarité internationale. Elle est en réalité la super structure française de coordination de plusieurs plateformes généralistes (http://www.coordinationsud.org/). Au niveau européen, Coordination Sud est membre de la plateforme CONCORD (http://www.concordeurope.org/) qui représente plus de 15 000 ONG.
- Tentative de classification -
Au début, les grands domaines d’activités des ONG étaient le développement et l’humanitaire, les droits de l’homme. De nouveaux champs ont vu le jour par extension des activités mais également par la création continue de nouvelles organisations. L’exercice de classification s’est complexifié au fur et à mesure que des liens de cause à effet ont été identifiés entre des domaines d’activités - comme le droit à l’environnement pour un développement social - et que les acteurs ont appris à tisser des relations de circonstance pour atteindre leurs objectifs.
Un classement par modes d’action permettrait de connaître le ton sur lequel ces organisations souhaitent exercer leur mandat. Mais une des grandes évolutions de ces dernières années est justement la capacité de ces acteurs à mobiliser leurs ressources sous différents modes pour assurer le succès de leurs campagnes.
Différentes typologie par domaines d’intervention ont été proposées, comme celle du MEDEF (ORSE,Rapport Partenariats stratégiques ONG/ Entreprises, Rapport de mission remis au Ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie associative, juin 2005).
Organisation de protection de l’environnement : Préservation des milieux naturels et des ressources Prévention des risques
Organisations de solidarité internationale : Développement des communautés locales Protection des droits de l’homme Humanitaire et Urgence
Organisations de développement économique et intégration Commerce équitable et micro-crédit Insertion/réinsertion de personnes handicapées Insertion/réinsertion des chômeurs et exclus Organisations de protection et de développement de la culture et du patrimoine Organisation de protection des consommateurs
Si la nébuleuse des organisations non gouvernementale reste difficile à comprendre et à analyser, elle n’en reste pas moins un espace de changement et d’innovation constant. Son histoire montre que chaque crise a été l’occasion de réfléchir et de structurer davantage son fonctionnement.
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