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Photo du rédacteurBernard Vivier

Rentrée sociale 2020 : incertitude à tous les étages

Incertitude : c’est bien le mot qui caractérise la situation sanitaire, économique et sociale de l’automne 2020.

* * *

Les inquiétudes sur la situation sanitaire dans le monde et en France ne sont pas levées. Dans notre pays, un nouveau confinement n’est pas à l’ordre du jour. Mais l’incertitude est grande ; elle pèse lourdement sur la reprise économique ; elle conditionne fortement le climat social de la fin de l’été et de l’automne 2020.

- Interrogations sur la reprise économique -


Notre pays et les autres pays européens sont désormais passés de l’urgence sanitaire à l’urgence économique : faire redémarrer la production et la consommation. La France n’est pas en guerre : les usines et les centres logistiques n’ont pas été bombardés, les jeunes générations n’ont pas été décimées à Verdun et nous sommes unis avec nos voisins européens pour nous serrer les coudes dans la compétition mondiale.

Le gouvernement a pris dès le mois de mars des mesures rapides, énergiques et conséquentes pour soutenir l’emploi et les entreprises.

Le plan de relance annoncé le 3 septembre poursuit l’effort des mois précédents et s’inscrit dans une coordination d’efforts au niveau européen (40% du plan de relance français sont financés par l’Europe).

Ce plan de relance se chiffre à 100 milliards d’euros, qui fait suite aux 370 milliards d’euros engagés à différents titres par les pouvoirs publics depuis mars 2020.


Pour autant, la confiance n’est pas là et la consommation ne redémarre pas. Les Français continuent à épargner plutôt que d’acheter. L’épargne 2020 est estimée à 100 milliards d’euros, c’est-à-dire autant que le plan de relance du 3 septembre.

La reprise ne se fera pas au même rythme pour tous les secteurs d’activité. Certains secteurs vont redémarrer assez vite, d’autres sont affectés pour au moins deux ans (on pense, par exemple, à l’aéronautique ou au tourisme). Et cette reprise sera lente. L’INSEE, le 8 septembre dernier, anticipait un recul du PIB de la France d’environ 9% cette année. C’est à peine mieux que ce que redoutait le gouvernement en juin dernier, qui tablait sur une chute de 11%.

- Le climat social est lourd -


Conséquence directe : la rentrée sociale s’annonce chargée. Le climat social va être marqué par des suppressions d’emplois et des licenciements : 715 000 emplois détruits au seul premier semestre 2020.


Les interlocuteurs syndicaux se montrent pour l’heure globalement conscients et responsables de la gravité de la situation. Dans les entreprises, la défense de l’emploi les conduit à accepter des accords donnant la priorité à la sauvegarde de l’emploi en mettant pour l’heure la question des salaires en deuxième position.

Pour l’heure. Car les mois à venir peuvent être plus difficiles du fait de :


    • la grogne sociale toujours latente, qui peut s’exprimer en dehors des syndicats par des actions directes à l’encontre de toute autorité et institution. Le phénomène « gilets jaunes » a vécu, dans son expression 2018-2019. Les manifestations du 12 septembre sont un échec : 8 500 manifestants sur toute la France dont 2 500 à Paris. Mais la révolte sociale peut surgir d’une autre façon. La violence est toujours un risque majeur.

    • la difficulté des syndicats à « tenir les troupes ». Le cas de la CGT est éclairant. Philippe Martinez ne tient plus ses fédérations, lesquelles ne gèrent plus comme avant leurs délégués syndicaux centraux. Ces derniers ne coordonnent plus guère les délégués syndicaux d’établissement... qui courent eux-mêmes après la base.

    • les tendances extrémistes et trotskystes peuvent en profiter, en faisant pression à l’intérieur de la CGT ou en agissant dans des syndicats type SUD.

    • la possible reprise de l’inflation qui alimenterait inévitablement une revendication salariale que les syndicats devront soutenir.

    • la présence sur la scène politique, sociale et sociétale d’acteurs prônant le repli de l’activité de production sur un territoire national découplé de l’économie de marché mondiale et prônant aussi la désindustrialisation. Sur le terrain politique, extrême droite et extrême gauche se rejoignent. Sur le terrain social et sociétal, les ONG et mouvements écologistes font pression (voire font concurrence) sur les syndicats.



Dans ce contexte d’incertitude sanitaire, de difficultés économiques et de lourdeur sociale, la gestion des relations sociales demande de porter attention aux principes et aux techniques qui distinguent les entreprises solides et performantes de celles qui louvoient au gré des évènements sans politique forte.

Rappelons le : la performance globale d’une entreprise dépend aussi de la qualité et de la performance de ses relations sociales.

Les éléments sont connus, parmi lesquels :

  • l’intérêt porté par la direction générale à la dimension sociale et humaine de l’entreprise, cet intérêt se manifestant par l’affirmation publique qu’il s’agit là d’un élément déterminant de la performance globale ;

  • la capacité à disposer de capteurs du climat social et de ses évolutions, dans l’entreprise et dans son environnement. D’éventuels mouvements de lassitude, de « bore-out » (pour jargonner un peu), de repli sur soi, de perte d’ardeur au travail sont à anticiper, tout autant que d’éventuels signes de tensions sociales ou de conflits du travail ;

  • la qualité d’un bon management des relations sociales, essentiellement à travers la capacité de managers de proximité, sensibilisés et formés, à gérer au quotidien une écoute active des équipes ;

  • la structuration d’une représentation du personnel de qualité. Les élections CSE ont eu lieu en 2018-2019 ; les prochaines se dérouleront en 2022-2023. Le temps des joutes électorales est encore loin. Mais le temps de la formation et de la montée en qualité des élus est très actuel. Les entreprises qui disposent de représentants du personnel solides avec qui déployer des relations sociales actives disposent, à l’évidence, d’un avantage concurrentiel par rapport à leurs concurrents.


Dans le domaine social comme dans d’autres, une entreprise performante est une entreprise qui, face aux incertitudes de son temps, dispose d’un projet et des outils de son « quart d’heure d’avance ».

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